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L’Europe vient de franchir la dernière étape dans sa bataille contre les véhicules électriques chinois subventionnés. La Commission européenne impose désormais des droits de douane définitifs pour cinq ans. Une décision qui illustre la détermination de Bruxelles face à ce que certains qualifient de « rouleau compresseur chinois ». L’enquête sur les subventions chinoises fut d’une ampleur sans précédent : 250 jours de mission et plus de 200 pages de rapport. La Chine conteste tout !

La part des immatriculations de véhicules électriques chinois dans l’UE est passée de 3,5 % en 2020 à 21,9 % en 2022, et pourrait atteindre 27,2 % d’ici à mi-2024. Dans le même temps, la part de marché de l’industrie européenne a chuté de 68,9 % à 59,9 %. « La transition vers les véhicules électriques a commencé à être entravée, créant une menace de préjudice important pour l’industrie de l’Union qui est clairement prévisible et imminente », souligne un haut fonctionnaire de la Commission européenne.

Face à cette menace, Bruxelles affine sa riposte. Les taux définitifs, légèrement revus à la baisse par rapport aux mesures provisoires de début juillet, s’établissent désormais à 17 % pour BYD, contre 17,4 % initialement, 18,8 % pour Geely (19,9 % en juillet), et 35,3 % pour SAIC (37,6 % auparavant). Tesla, nouvel entrant dans la liste, se voit appliquer un taux de 7,8 % pour les véhicules construits en Chine, tandis que les autres constructeurs coopérants sont taxés à 20,7 %. Les non-coopérants devront s’acquitter du taux le plus élevé de 35,3 %. En juillet, il n’y avait pas de perception immédiate, seulement des garanties bancaires. Désormais, la collecte des droits de douane devient effective et les garanties bancaires précédentes sont libérées.

Cette décision ne fait pas l’unanimité, particulièrement en Allemagne. Les constructeurs d’outre-Rhin, fortement implantés en Chine, s’opposent à ces mesures et craignent des représailles. Parmi eux, Oliver Blume, PDG de Volkswagen, a proposé, dans une interview parue début octobre dans le magazine Bild am Sonntag, d’ajuster les tarifs douaniers au cas par cas. « Au lieu de tarifs douaniers punitifs, il devrait s’agir d’accorder mutuellement des crédits pour les investissements, soutient-il. Ceux qui investissent, créent des emplois et travaillent avec des entreprises locales devraient bénéficier des tarifs douaniers [ajustés, NDLR]. »

La Commission écarte pourtant les craintes d’une hausse des prix pour les consommateurs européens. « Nous avons observé une forte augmentation des importations ces dernières semaines, les exportateurs ayant profité de la période sans droits de douane », précise le haut fonctionnaire. En fait, des stocks importants de véhicules chinois dans les ports européens devraient amortir l’impact immédiat sur les prix.

Les mesures européennes apparaissent d’ailleurs modérées au regard des pratiques internationales. Les États-Unis ont imposé des droits de 100 % sur ces véhicules. L’Inde applique deux niveaux de taxation : 70 % pour les véhicules de moins de 40,000 dollars et 100 % au-delà. Le Brésil, quant à lui, prévoit une augmentation progressive de ses droits de douane, passant de 10 % à 18 % en juillet 2024, pour atteindre 35 % en juillet 2025.

Les discussions se poursuivent néanmoins avec Pékin pour trouver un accord sur des prix minimums à l’importation. L’enjeu dépasse largement la simple question commerciale. Sans ces mesures protectrices, avertit Bruxelles, l’Europe risque de « perdre l’un de ses secteurs manufacturiers les plus importants » et de « prendre du retard technologique par rapport à la Chine et aux États-Unis », compromettant ainsi ses objectifs climatiques.