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Effondrement de l’indice Nikkei, chute brutale à Wall Street, CAC 40 dans le rouge… Après un violent dévissage des places financières lundi 5 août, le vent de panique s’est un peu apaisé. Mais, selon Alexandre Baradez, chef analyste chez IG, nous pourrions connaître d’autres épisodes de volatilité au cours de l’été.

Comment expliquer la dégringolade des Bourses mondiales lundi ?

Cette chute brutale s’explique par la conjonction de plusieurs facteurs. D’abord, nous sommes en août. Le milieu de l’été est habituellement une période où la liquidité est moins bonne sur les marchés mondiaux : le nombre et les volumes d’échange sont plus faibles, donc le moindre stress est amplifié. Ensuite, certains segments de marché, comme la tech américaine, l’intelligence artificielle ou les semi-conducteurs, avaient ces derniers temps surperformé par rapport aux autres secteurs. Mais la saison des résultats a montré que le retour sur investissement ne s’était pas encore matérialisé.

Pour beaucoup d’observateurs, cette correction est tout à fait normale : les investisseurs ont payé très cher pendant des mois, des trimestres, voire des années, certaines valeurs et ils veulent donc que le retour sur investissement commence à apparaître dans le bilan de ces entreprises. La troisième raison, qui, selon moi, est la principale, est l’intervention de Jerome Powell, le président de la Réserve fédérale américaine (Fed), la semaine dernière. Habituellement, une réunion de la Fed en plein été est un non-événement, pendant lequel on ne dit rien qui pourrait faire peur au marché dans une période où la liquidité est plus faible.

Or cela n’a pas été le cas de cette réunion. Jerome Powell n’a pas du tout tenu les propos qu’il tenait depuis plusieurs mois en affirmant que « les risques de hard landing [atterrissage brutal de l’économie, NDLR] sont maintenant », alors que les banquiers centraux font toujours très attention aux mots qu’ils emploient. C’est comme s’il avait renversé la table !

Parfois, les marchés se corrigent un peu trop rapidement sans que cela soit l’indicateur d’une réalité économique derrière.

Il a également expliqué, et cela a surpris beaucoup d’observateurs, que la Fed avait discuté d’une possibilité de baisser les taux en juillet, alors que tout le monde pensait que la question ne se poserait pas avant septembre, voire avant les élections américaines de novembre. Il a également fait comprendre que la Fed était désormais moins focalisée sur l’inflation, et plus sur l’autre aspect de son mandat, l’emploi. Cela signifie qu’il estime que le risque est plutôt celui d’un ralentissement de l’activité économique. Cela a été confirmé par les statistiques américaines qui sont sorties depuis.

Elles étaient toutes en dessous des attentes du consensus. C’est ce qui a mis le feu aux poudres. Enfin, il y a également eu un mouvement de la Banque du Japon qui avait procédé juste avant le discours de Powell à une hausse de taux qui n’était pas attendue par le marché. Dans le monde des politiques ultra-accommodantes, le marché n’aime pas trop quand on bouge les curseurs… Ce qui peut aussi expliquer la violence de la réaction du marché, c’est qu’il existait un différentiel de taux important entre le Japon et les États-Unis qui a favorisé des opérations de spéculation.

Faut-il s’inquiéter ?

Non, ce n’est ni grave ni systémique. Certains excès sont simplement en train d’être corrigés. Les marchés ont joui pendant un certain temps d’une situation très favorable et elle est simplement un peu moins favorable aujourd’hui… Parfois, ils s’enthousiasment un peu trop rapidement et parfois ils se corrigent un peu trop rapidement sans que cela soit l’indicateur d’une réalité économique derrière : je ne crois pas au scénario de récession.

Car les banques centrales ne peuvent pas se le permettre : les États n’auraient pas la capacité de faire à nouveau une relance économique, car ils ont tous beaucoup trop dépensé pendant la crise du Covid. C’est le cas en Europe, mais aussi aux États-Unis, où la dette a flambé. Donc la Fed ne peut pas se permettre de se tromper et elle doit être prête à baisser très rapidement ses taux pour éviter le risque de récession. Elle pourrait même le faire entre deux réunions si la situation l’exigeait.

Peut-être que le marché le prendrait au début pour un signe de panique de la Réserve fédérale, mais cela serait ensuite rapidement interprété comme une volonté de préserver l’économie. On peut donc s’attendre à un peu de volatilité à court terme, mais rien de catastrophique. Celle-ci sera plus ou moins importante en fonction des données économiques qui vont être publiées dans les prochaines semaines. La réunion de Jackson Hole, aux États-Unis, à la fin du mois d’août sera également importante pour rassurer les marchés.

En France, un nouveau gouvernement devrait bientôt être annoncé… Existe-t-il un risque de panique des marchés ?

Le pire n’est jamais certain. L’histoire montre que les stress politiques peuvent être importants à court terme, mais qu’ils ont ensuite tendance à se tasser. On l’a vu, par exemple, en Italie, en Grèce, voire en Allemagne, et on le voit en France aujourd’hui. Je pense que le stress s’est déjà manifesté au moment de la dissolution et qu’il a été intégré dans les cours de Bourse… Il y aura peut-être un dernier coup de stress sur le marché obligataire, mais pour une durée limitée, et sans conséquence dramatique.