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Dix-neuf films à l’affiche ce mercredi ! Une folie ! Un trop-plein de sorties qui déroute le public et explique aussi pourquoi les films s’annihilent les uns les autres en quelques jours. Pour mieux s’y retrouver et faire les bons choix, Le Point vous conseille Monsieur Aznavour, incarné par Tahar Rahim, mais aussi deux films d’animation tout public – Angelo dans la forêt mystérieuse et Transformers : le commencement. Pour les amateurs de foot et de comédies bien de chez nous, Fabien Onteniente récidive dans 4 Zéros, avec Gérard Lanvin. Mais aussi, dans un autre genre, Souviens-toi du futur ! de Romain Goupil.

Monsieur Aznavour ✭✭✭✭Belle performance
Comme Charles Aznavour dans la chanson, Tahar Rahim se voit déjà en haut de l’affiche et se trouve des points communs avec son modèle original, enfant d’immigrés qui n’a pas le goût des frontières et rêve d’un métier auquel il n’est pas prédestiné. Le voici qui se jette à fond dans l’aventure en évitant l’écueil de l’imitation et de la copie conforme. Résultat : une franche réussite, sans la moindre fausse note, dans ce biopic à la gloire du chanteur et validé par la famille.

Les deux réalisateurs, Grand Corps Malade et Mehdi Idir, ont opté pour un récit linéaire, rythmé par les plus grands succès du chanteur, de « La Mamma » à « Emmenez-moi ». Ponctué de séquences magnifiques, Monsieur Aznavour est littéralement habité, dans le rôle-titre, par un Tahar Rahim qui joue et chante avec brio et sincérité. Très belle performance.

Angelo dans la forêt mystérieuse ✭✭✭✭Magique
Il était une fois un petit garçon de 10 ans qui ne manquait pas d’imagination et s’inventait des histoires dont il était le héros. Oublié par ses parents sur une aire de repos, il va rejoindre seul la maison de sa mamie après avoir traversé une forêt. Sur son chemin, il croise d’étranges créatures : des fourmis rouges belliqueuses, des robots coupeurs d’arbres, un écureuil déguisé en oiseau (avec la voix de Philippe Katerine), une fille bleue en skate, une grenouille et une chenille de cirque, un nuage qui parle et pique des colères, un ogre tout vert comme du gazon…

En adaptant la bande dessinée de Winshluss Dans la forêt sombre et mystérieuse, Vincent Paronnaud (Persépolis) et Alexis Ducord (Zombillénium) jonglent avec les styles graphiques, passent de la couleur à l’animation en noir et blanc, utilisent la 2D quand Angelo rêve et la 3D lorsqu’il revient au réel, alternent images de synthèse et dessin traditionnel. Le résultat est magique et tout public.

Souviens-toi du futur ! ✭✭✭Marin Karmitz se met à nu
À l’automne 2023, le Centre Pompidou accueillait une vaste exposition de photos croisant la collection de Marin Karmitz et le riche fonds du Musée national d’art moderne. À la faveur de son accrochage, Romain Goupil a filmé le producteur de cinéma, mais aussi Julie Jones, avec qui il a conçu cette exposition.

Sous le couvert d’entretiens sur les clichés qu’il aime le plus, c’est sa vie que Karmitz raconte en creux : de son enfance en Roumanie pendant la Seconde Guerre mondiale à son arrivée à Paris en 1947, mais aussi de ses études à l’IDHEC pour devenir chef opérateur à ses débuts de photographe au sein de l’agence de presse Libération à la fin des années 1960.

« La plus grande souffrance de ma vie a été d’arrêter de réaliser des films », confie Karmitz. On ne sera pas étonné d’apprendre que le cinéaste a envisagé cette exposition comme son cinquième et dernier long-métrage. Le plus autobiographique de toute sa filmographie sans aucun doute.

4 Zéros ✭✭Prévisible
Magouilles, truc et ficelle dans le milieu du football. Dans 4 Zéros, suite logique de 3 Zéros qui surfait sur la victoire française au Mondial 98, Fabien Onteniente joue à nouveau la carte de la satire du monde du ballon rond.

Comme il se doit, il reprend son acteur fétiche, Gérard Lanvin (qu’il a déjà dirigé dans Camping), dans le rôle d’un célèbre agent de joueurs à l’ancienne, retiré des affaires à Tahiti. Sa sœur (Isabelle Nanty), propriétaire avec son mari (Didier Bourdon) d’un restaurant portugais à Pontault-Combault, l’appelle à la rescousse pour aider leur fils trentenaire (Paul Deby) qui veut devenir agent de footballeurs. Ce dernier a remarqué une pépite de dix-huit ans, Kidane (Mamadou Haïdara) qui rêve de rejoindre le PSG. Comment faire ? La concurrence est rude et déloyale face au redoutable DZ (Kaaris), l’agent le plus influent du business du foot…

Pas de doute, Fabien Onteniente, le réalisateur à succès des Camping et de Disco, a la fibre populaire et aime le foot, ce qui lui permet d’être à son aise sur le sujet sans éviter les clichés et les situations convenues. Il a beau convoquer en chair et en os des héros comme Paul Pogba, Rai, Rolland Courbis, Jean-Pierre Papin, Guy Roux ou Jean-Claude Darmon, rien ne fait vraiment décoller ce 4 Zéros produit avec l’aide du PSG, propriété du Qatar. Les acteurs, eux, font tout leur possible pour sauver les meubles.

Fario ✭✭Campagne en détresse
On ne peut que se réjouir de l’intérêt nouveau pour la ruralité qui anime les jeunes cinéastes français. Lucie Prost, dont c’est le premier long-métrage, raconte ici quelque chose dont les journaux traitent régulièrement, mais que la fiction a souvent laissé de côté : la détresse des campagnes. Léo (Finnegan Oldfield), ingénieur installé à Berlin, rentre dans le Doubs pour superviser la vente des terres de son père défunt à une entreprise de forage minier. Mais il se persuade que la société en question met en péril l’équilibre écologique de toute la région quand il observe des comportements étranges chez les truites fario de la rivière locale.

Avec finesse, la cinéaste suggère le sentiment d’abandon qui habite Léo, l’effet de son deuil sur ses angoisses, et la solitude des agriculteurs. Alors tant pis si le rythme est parfois languissant et les métaphores un peu trop soulignées, Fario marque l’apparition d’un vrai jeune talent.

Transformers, le commencement ✭✭✭Retour gagnant à l’animation
En revenant à l’origine de la guerre entre Autobots et Decepticons, Josh Cooley (Toy Story 4) signe peut-être le meilleur film de la franchise. Sur Cybertron, la planète d’origine des Transformers, les citoyens sont divisés en deux castes : ceux qui peuvent se transformer en véhicules en tout genre dominent ceux qui en sont incapables. Deux meilleurs amis, Optimus Prime et Megatron, font partie de cette seconde catégorie, et rêvent d’une vie meilleure en asservissant la classe supérieure.

L’univers visuel, coloré et foisonnant, est inédit dans la série de films lancée par Michael Bay. Retour à l’animation réussi donc pour la licence créée par Hasbro et malgré un fan-service omniprésent qui pourra agacer, même les néophytes y trouveront leur compte, grâce à la générosité de l’action, et un puissant message politique.

Chroniques chinoises ✭✭✭✭Courageux
Lou Ye est un cinéaste d’envergure qui a jadis, avec Nuits d’ivresse printanière et Une jeunesse chinoise, impressionné par sa capacité à défier les autorités de son pays en traitant de thèmes politiques… Avec ce nouveau film, il utilise le genre du faux documentaire pour raconter un épisode particulièrement douloureux de l’histoire récente. Un cinéaste décide de réunir toute une équipe – dont un jeune acteur à la mode qui s’apprête à devenir père – pour finir un projet qui lui tient à cœur, une histoire d’amour homosexuelle qui avait déplu à la censure à l’époque où il avait commencé le tournage il y a dix ans. Il y met tant d’enthousiasme et de capacité de persuasion qu’il réussit à entraîner une trentaine de personnes… à Wuhan, début 2020.

Bientôt, le tournage tourne au cauchemar et l’équipe se retrouve confinée dans un hôtel avec des règles terriblement strictes. En mêlant scènes de fiction et images volées au téléphone portable à l’époque, Lou Ye réussit un portrait saisissant des débuts du Covid-19 vus de Chine. Sans jamais paraître dénoncer ou s’indigner, il capte assez de brutalité et de violence indirectes pour que son film fasse l’effet d’une condamnation cinglante du régime.

3 Kilomètres jusqu’à la fin du monde ✭✭Voyage en Roumanie
Emmanuel Parvu était à l’origine acteur, et ce film, son troisième comme réalisateur, témoigne de l’influence qu’a eue sur son travail le grand cinéaste roumain qui l’a dirigé dans Baccalauréat (2016). Comme chez Mungiu en effet, nous sommes au plus profond de la Roumanie, dans un village très orthodoxe où une histoire en apparence banale prend de telles proportions qu’elle en devient symbolique du fonctionnement de toute la société.

Ici, un jeune homme, Adi (Ciprian Chjudea) est victime d’une agression homophobe qui révèle à ses parents une vérité qu’il cherchait à cacher. À partir de là, tout le village s’en mêle, les parents bien sûr, mais aussi la police et même un prêtre exorciste. Emmanuel Parvu réussit à faire passer la terrible pression qui pèse sur Adi, mais le film donne par moment le sentiment d’une étude sociologique un peu trop appliquée.

LES ÉTOILES DU POINT
✩✩✩✩✩ : Nul
✭ : Mauvais
✭✭ : Moyen
✭✭✭ : Bien
✭✭✭✭: Excellent
✭✭✭✭✭ : Exceptionnel