Les mécanismes d’endettement de l’État français
Nous sommes le mercredi 5 juin 2024, à 9 heures, au Palais-Bourbon. La plupart des députés de la commission des Finances ont fini à minuit la veille en séance, mais ils sont tout de même présents pour une nouvelle audition de la commission d’enquête sur la croissance de la dette française et ses conséquences. Il faut dire que l’invité du jour est un rouage essentiel du mécanisme : Antoine Deruennes est le directeur général de l’Agence France Trésor (AFT). Ce service de Bercy, composé d’une cinquantaine d’agents, niché dans le bâtiment Colbert, a en effet pour mission de gérer la trésorerie et la dette de l’État.
La gestion de la dette de l’État
« Schématiquement, il faut chaque année refinancer la dette qui arrive à échéance et financer le nouveau déficit, c’est-à-dire l’écart entre le montant des dépenses de l’État et celui de ses recettes. En émettant la dette nécessaire pour compléter les besoins de financement, nous assurons l’équilibre défini en loi de finances. En 2024, le montant à émettre s’établit à 285 milliards d’euros », explique ce jour-là le polytechnicien aux députés.
En effet, contrairement aux ménages, qui se rendent au guichet de leur banque pour s’endetter, l’État emprunte de l’argent sur les marchés financiers en vendant des titres financiers, les bons du Trésor à taux fixe et à intérêt précompté (BTF) et surtout les fameuses obligations assimilables du Trésor (OAT), dont la durée de remboursement est plus ou moins longue (trois mois à cinquante ans).
Qui achète ces titres de dette ?
Banques centrales, banques, compagnies d’assurances, fonds de pension, fonds souverains d’investissement, fonds spéculatifs : les acheteurs de dette française sont variés… Tout comme leur origine géographique. Environ un quart de la dette est détenu par des résidents de la zone euro (par exemple des banques allemandes) et un autre quart, par des non-résidents (par exemple des fonds de pension américains). 26 % sont dans les coffres de la Banque centrale européenne, qui a racheté de nombreux titres de dette dans le cadre de sa politique monétaire. Enfin, le reste est entre les mains d’investisseurs hexagonaux.
Pourquoi faisons-nous appel à des investisseurs étrangers ?
Cette répartition a évolué dans le temps : la part des créanciers étrangers a augmenté jusqu’en 2009, avant de diminuer. Cela dit, elle reste plutôt élevée si on la compare avec celles d’autres pays développés. En Italie, la part des investisseurs non-résidents n’est que de 24 %. Au Japon, les résidents détiennent 90 % de la dette. Cette répartition fait débat : quid de notre souveraineté ? Les investisseurs étrangers sont, en effet, considérés comme moins « concernés » par le sort de la France : en cas de panique, ils auront tendance à se débarrasser plus rapidement des titres français…
Mais cette répartition a aussi ses avantages : elle permet de s’endetter à moindre coût et de se protéger d’un éventuel choc qui toucherait une zone géographique en particulier. Elle est aussi un signe de l’attractivité de notre dette, qui plaît aux investisseurs… mais pour combien de temps encore?
Prochain épisode : Pourquoi la dette est-elle aussi élevée en France ?