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La Journée internationale des droits des enfants est célébrée le mercredi 20 novembre. La veille, l’Unicef France publiait les résultats préoccupants d’une consultation de près de 20 000 enfants et adolescents âgés de 6 à 18 ans, qui ont partagé leurs perceptions et vécus entre octobre 2023 et mars 2024, avec un fil rouge : la pauvreté et l’exclusion.

Dans un communiqué de presse, la branche française de l’agence de l’Organisation des Nations unies consacrée à l’amélioration et à la promotion de la condition des enfants déclarait mardi : « Ces résultats interpellent sur l’urgence de renforcer la protection et les droits des enfants en France, alors que la pauvreté, l’insécurité et l’exclusion continuent de creuser les inégalités. L’Unicef France appelle les décideurs à agir pour inverser ces tendances inquiétantes. »

Ce mercredi, la présidente de l’Unicef France, Adeline Hazan, est revenue pour Le Point sur les résultats de cette enquête et interpelle le gouvernement.

Adeline Hazan : Notre objectif était de donner la parole aux enfants, qui ne sont pas assez entendus. Trop souvent, les pouvoirs publics ont tendance à prendre des décisions concernant la vie des enfants sans les interroger et, cette année, nous souhaitions qu’ils s’expriment sur les questions de pauvreté. Et, je dois le dire, nous sommes inquiets de voir la pauvreté des enfants augmenter. Les résultats de cette consultation sont édifiants.

Ce qui ressort de cette consultation, c’est un sentiment de rejet de la vie sociale (11 %), de non-protection de la part des adultes (entre 12 % et 22 %) et de non-prise en compte suffisante au sein du milieu scolaire pour les adolescents et les enfants (25,4 %).

Nous sommes aussi très inquiets des importantes proportions d’inégalités, qui varient en fonction de la structure familiale et du lieu de vie. Et ce sont notamment les familles monoparentales qui sont le plus exposées. Nous le savions, certes, mais dans de telles proportions…

Une statistique à retenir : les enfants touchés par des privations matérielles ont 2,7 fois plus de risques d’être victimes de rejet social. C’est d’ailleurs ce qu’on a appelé un triptyque structurel d’exclusion, c’est-à-dire un cumul d’inégalités pour des enfants qui vivent à la fois des privations matérielles, un manque de protection des adultes et un sentiment de rejet social.

Effectivement, 1 enfant sur 4 ne mange pas trois repas par jour. Beaucoup ne prennent pas de petit-déjeuner le matin, alors que des mesures ont été prises il y a plusieurs années par le gouvernement pour que toutes les écoles proposent un petit-déjeuner gratuit, mais cette mesure n’est pas assez respectée. D’autres jeunes ne mangent pas le midi parce que la cantine est trop chère. Et donc ça, dans un pays comme la France, c’est quelque chose qui ne peut plus être toléré.

Difficile à dire. Ce qui est sûr, c’est que la pauvreté et les sentiments de privations, de rejet social et de manque de protection augmentent.

Beaucoup trop d’enfants n’ont pas accès aux activités sportives (44,4 %) ou culturelles (66,7 %). Et même si certains clubs sportifs sont gratuits, les parents n’ont pas toujours les moyens de leur acheter des équipements. Quant aux lieux culturels, même s’ils sont gratuits pour eux, leurs parents ne peuvent parfois pas les accompagner.

Il y a une forme d’autocensure chez ces jeunes pour ne pas mettre leurs parents en difficulté.

D’abord, ce chiffre est sous-évalué en raison de sa méthodologie, produit à partir des appels passés au 115. L’explosion de ce chiffre tient à plusieurs phénomènes : l’appauvrissement de la population, l’augmentation du nombre d’expulsions locatives et le manque de logements sociaux. C’est une sorte de cercle vicieux, dans lequel l’actuelle politique de logement social engendre une embolie des hébergements d’urgence. La rue devient le seul refuge.

Cette problématique n’est pas suffisamment prise en compte. Or, c’est quelque chose que nous dénonçons : ne se sentant pas écoutés, ne participant pas aux décisions les concernant, les enfants développent ce sentiment de rejet, qui peut encore se répercuter à l’âge adulte…

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Justement, nous aimerions que les décideurs publics prennent enfin conscience de la gravité de la situation. Il existe depuis un certain nombre d’années une stratégie de lutte contre la pauvreté, qui s’appelle aujourd’hui pacte des solidarités, et nous aimerions que les enfants soient la priorité de cette stratégie. Des mesures avaient été annoncées, mais, en raison de la dissolution notamment, il y a eu un grand ralentissement des annonces. Et nous sommes très inquiets des discussions autour du budget et des coupes budgétaires annoncées.

Je suis d’autant plus inquiète sur la situation des adolescents et des enfants qu’il ressort de cette consultation un sentiment de résignation et d’absence de confiance dans les adultes et la société. Je trouve ça terrifiant. Ils ne croient pas à l’amélioration de leur sort… Nous devons leur redonner confiance en la société. Mais pour ça, il faut des actes forts et pas de simples prises de position qu’ils finissent par ne plus croire.