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Été 2024, en orbite basse, soit quelque part entre 300 et 800 kilomètres d’altitude, un petit faisceau lumineux traverse l’atmosphère : c’est le nanosatellite français Keraunos qui réalise une première mondiale. Pendant plusieurs minutes, une liaison optique laser est maintenue pour communiquer avec une station au sol, en lieu et place des ondes radio. Cette expérimentation a été menée sous la houlette de l’Agence Innovation Défense (AID) du ministère des Armées, qui a financé à hauteur de 5,5 millions d’euros les start-up françaises Cailabs et Unseenlabs à l’origine du projet.

Les avantages de la liaison optique, par rapport à la liaison radio habituellement utilisée, sont notamment le débit, la discrétion et l’indépendance aux réglementations de coordination d’utilisation du spectre radio, explique le communiqué commun du ministère des Armées, de Cailabs et d’Unseenlabs. C’est tout le secteur des télécommunications spatiales qui s’en trouve transformé, en particulier dans les domaines sensibles comme la défense.

Transformer radicalement la connectivité mondiale

Les communications par laser sont aujourd’hui envisagées pour relier des stations au sol à des satellites, ou des satellites entre eux, en remplacement des ondes radio. Ces dernières ont des limites physiques qui ne correspondent plus aux usages : bande passante limitée, spectre saturé, diffusion non contrôlée et consommation d’énergie élevée. Pour le moment, pas question de recevoir la télé ou Internet chez soi grâce au signal laser spatial, car il faudrait alors des centaines de milliers d’émetteurs optiques par satellite. Mais pour les liaisons de haute importance, en volume ou en sensibilité, le laser apparaît comme le Graal. La communication optique va transformer radicalement la connectivité mondiale, résume l’Agence spatiale européenne. Elle va augmenter la performance, la sécurité et la résilience de nos satellites de manière exponentielle et nous aider à protéger nos données à des niveaux auparavant inimaginables, ajoute l’ESA.

Crucial pour aller sur Mars

Pour les missions spatiales vers la Lune et vers Mars, les agences spatiales doivent aussi faire évoluer leurs outils de communication. Alors que les instruments scientifiques collectent des données en haute définition, comme des vidéos en 4K, les missions auront besoin d’outils de communication accélérée vers la Terre, explique par exemple la Nasa, qui estime à 200 Gb/s la bande passante d’une telle liaison optique, contre 5 Gb/s pour les meilleures liaisons radio, en bande Ku, soit quarante fois moins. Mieux : les équipements optiques sont moitié moins lourds et consomment un quart d’énergie en moins. Selon l’agence américaine, deux principaux défis doivent être relevés. D’une part, la précision de l’orientation du laser vers la Terre ou vers les vaisseaux lointains, qui sera assistée par des balises permettant à des télescopes de viser très précisément le récepteur de leur interlocuteur : une déviation d’une fraction de degré est fatale. La perte d’intensité du signal lumineux devra être compensée, et la Nasa réfléchit à des récepteurs dotés de compteurs de photons capables de détecter un signal très dégradé.

Le stockage au-dessus des nuages

Le second défi est le franchissement des nuages et des perturbations atmosphériques, et sur ce point l’expérimentation française n’a pas été épargnée. Le ministère des Armées affirme que si la communication est parfois perturbée par des turbulences atmosphériques, le satellite Keraunos est en mesure de les contourner afin d’obtenir une qualité de transmission optimale, sans préciser les mesures concernées. La Nasa estime qu’un réseau de stations au sol pourrait permettre d’envoyer le signal là où le ciel est dégagé, tout en envisageant un réseau de récepteurs en orbite terrestre, capables de stocker les données quelques secondes ou quelques minutes lorsque leur transmission est temporairement impossible vers le sol. Après le stockage dans les nuages (cloud), on stockera donc au-dessus des nuages!