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Débarquement en Provence: La Libération de la France par l’Armée d’Afrique

Contrairement aux troupes qui ont participé au débarquement en Normandie le 6 juin, celles qui ont pris d’assaut les côtes de Provence le 15 août 1944 pour libérer rapidement Toulon, Marseille ou Lyon étaient majoritairement françaises. Ces forces, regroupées au sein de « l’Armée B », étaient composées à 80 % de soldats africains. Malgré leur rôle crucial, leur présence dans la mémoire collective reste largement occultée par le D-Day.

### Le Débarquement en Provence: Un Succès Militaire

Du Lavandou à Saint-Raphaël, en passant par Cavalaire ou Saint-Tropez, les plages du Var se sont réveillées au matin du 15 août 1944 au son des bombardements aériens. 880 navires anglo-américains, 34 français et 1 370 engins de débarquement se sont dirigés vers leurs premiers objectifs. Des parachutistes et des commandos américains, canadiens, britanniques et français avaient attaqué les îles côtières de Port-Cros et du Levant au large de Hyères dans la nuit. À 8h du matin, les premiers éléments de ces troupes de choc étaient à l’œuvre sur les plages de trois secteurs du Var.

À la fin de la journée, 100 000 hommes avaient déjà débarqué et les forces allemandes reculaient. L’opération se déroulait mieux que prévu pour les Alliés. « Ils avaient prévu une tout autre résistance des Allemands. Et c’est un vrai succès, puisque Toulon et Marseille sont libérés en quasiment 10 à 15 jours alors qu’initialement on prévoyait entre 20 et 40 jours », explique l’historien Julien Fargettas. Face à la 19e armée allemande et ses 250 000 hommes, les Alliés avaient débarqué 350 000 soldats dont 250 000 français et s’étaient emparés en trois semaines du sud-est de la France. Grenoble avait été libérée le 22 août, Toulon le 23, Marseille le 29 et Lyon le 3 septembre. Ces troupes avaient fait la jonction le 12 septembre en Bourgogne avec celles débarquées en Normandie le 6 juin.

### Un Débarquement Français D’importance

Si le débarquement de Provence était un succès militaire indiscutable, sa genèse était pourtant complexe. Le plan avait été présenté par le commandement américain fin 1943, mais avait rencontré l’opposition de Winston Churchill, qui souhaitait renforcer le front en Italie pour atteindre Berlin avant les Soviétiques. Dénommée « Anvil », puis « Dragoon », l’opération avait été plusieurs fois reportée en raison du manque d’équipements des Alliés. Ce n’est qu’au début du mois de juillet 1944 que l’opération de Provence était devenue officielle.

Après le débarquement de Normandie mené par des troupes essentiellement américaines, britanniques et canadiennes, le débarquement de Provence avait permis à l’armée française de remettre fermement le pied sur le territoire national, quatre ans après sa défaite de juin 1940. « Le contexte était complètement différent », explique l’historien. « L’opération était vraiment bâtie de concert entre les Alliés et les troupes françaises étaient sous commandement français, notamment celui du général Jean de Lattre de Tassigny, à la tête de ce qu’on appelle l’armée B. Il avait un supérieur américain au-dessus de lui, mais cela se passait très bien. »

### L’Armée d’Afrique: Les Héros Oubliés

Cette armée B, française, qui composait les deux tiers des forces participant au débarquement de Provence, était en réalité une armée d’Afrique. Selon Julien Fargettas, « l’armée d’Afrique désigne l’ensemble des soldats stationnés en Afrique du Nord depuis le 19e siècle. » Parmi ces soldats, on trouvait des citoyens français nés ou résidant en Tunisie, en Algérie ou au Maroc, ainsi que des « soldats musulmans » ayant le statut d’indigène. À leurs côtés se trouvaient des troupes coloniales appelées « Tirailleurs sénégalais », composées de soldats venant de toute l’Afrique subsaharienne.

« Parmi les 250 000 soldats français qui débarquent en Provence, 80 % sont d’origine africaine d’un point de vue géographique. Sans ces soldats africains, quel que soit leur statut ou leur origine, l’armée française n’aurait pas été en mesure de participer au débarquement de Provence », souligne l’historien. À Marseille, à Toulon ou à Lyon, la foule acclamait des libérateurs qui étaient bien souvent des Français d’Afrique du Nord, des tirailleurs algériens, marocains, tunisiens, sénégalais, ivoiriens, maliens, guinéens…

### Le Triste Sort des Soldats Africains Après la Libération

Dès l’automne 1944, l’état-major français avait décidé de retirer du front les soldats originaires d’Afrique subsaharienne pour les remplacer par de jeunes français issus de la résistance française de l’Intérieur. Cette pratique, appelée « blanchiment », avait été adoptée durant la Première Guerre mondiale pour des raisons climatiques. Malheureusement, à l’automne 1944, de nombreux soldats africains avaient subi des pertes en raison de gelures.

En outre, l’armée française, encore embryonnaire à l’époque, dépendait de l’armée américaine pour ses uniformes, équipements et matériels. Cela avait entraîné le « déshabillage » des soldats africains au profit des jeunes résistants français. Les libérateurs africains avaient été démobilisés en quelques mois et transférés dans des camps du sud de la France dans des conditions insalubres avant d’être renvoyés en Afrique de l’Ouest.

### L’Ombre du Débarquement de Provence par Rapport à Celui de Normandie

Quatre-vingts ans plus tard, l’épopée du débarquement de Provence demeure dans l’ombre de celle du D-Day en Normandie. Les commémorations de cet épisode de la libération de la France n’avaient jamais eu le même rayonnement que celles organisées en Normandie. En 1964, Charles De Gaulle avait inauguré le mémorial du débarquement en Provence près de Toulon, sur le mont Faron. Les présidents successifs avaient également assisté à des cérémonies d’hommage en souvenir de cet événement historique.

En 2019, Emmanuel Macron avait présidé une cérémonie du souvenir en compagnie des présidents ivoirien Alassane Ouattara et guinéen Alpha Condé pour rendre hommage aux combattants africains. Le 80e anniversaire du débarquement de Provence serait traité avec la même dimension que celui de Normandie, avec la participation de plusieurs chefs d’État et de gouvernements des pays ayant participé à l’opération.

En conclusion, le débarquement en Provence, mené en grande partie par l’Armée d’Afrique, avait joué un rôle crucial dans la libération de la France. Malgré les défis et les sacrifices rencontrés par les soldats africains, leur contribution mérite d’être reconnue et honorée dans l’histoire de la Seconde Guerre mondiale.