Le développement du futsal en France: Une nation qui compte
Petits espaces, grands espoirs
Emplis d’ambition, les Bleus disputent la Coupe du monde de la discipline, qui commence ce samedi 14 septembre en Ouzbékistan. Créée en 1997, la sélection a pris des galons ces dernières années et profite de la structuration du championnat national, «l’un des meilleurs d’Europe».
C’était il y a 27 ans, en 1997. La Fédération française de football (FFF) lançait son équipe nationale masculine de futsal. Dix ans plus tard, un championnat domestique est créé. En 2018, pour la première fois de leur histoire, les Bleus se qualifient pour le championnat d’Europe, leur seule participation à ce jour. Trois ans plus tard, le sélectionneur Pierre Jacky, en poste depuis dix-sept ans, quitte son poste. Le début d’un nouveau cycle incarné par son successeur Raphaël Reynaud, qui a mené les Tricolores à leur première qualification pour une Coupe du monde, qui se dispute en Ouzbékistan du 14 septembre au 6 octobre 2024, avec un premier match lundi 16 septembre face au Guatemala. Invaincus, ils ont survolé les phases de qualifications avec un bilan de huit victoires et deux matchs nuls. Une osmose sur le parquet confirmée le 14 avril par un succès historique – bien qu’en match amical – face au Brésil, nation reine de la discipline.
Des résultats probants expliqués par une mue entamée il y a quelques années. «La première saison d’état des lieux nous a permis de changer le projet de jeu. L’idée était de construire un environnement stable pour les joueurs», se souvient Raphaël Reynaud, qui insiste pour exploiter pleinement le potentiel de ses hommes. «La plupart ont été formés dans les city stades, les fives [du football à cinq contre cinq, qui se joue sur des terrains fermés, ndlr]. Mes joueurs ne sont pas forcément en capacité de résoudre tous les problèmes du jeu. Le but est donc de s’appuyer sur nos dribbles, notre capacité d’inspiration. Que ça soit face au Brésil ou un autre adversaire, nous faisons la même chose.»
«L’écart entre le monde du football et du futsal est abyssal»
La FFF fait en sorte que ce plan de jeu soit commun à chaque sélection de futsal, senior comme en jeunes, masculin comme féminin (dont la sélection n’a été créée qu’en 2023). «C’est primordial de s’appuyer sur une même identité sportive pour exister à l’échelle internationale. Il n’était pas question de copier les Espagnols ou les autres, mais de construire notre propre futsal», détaille Raphaël Reynaud. Dont l’impact se ressent bien au-delà de l’aspect tactique. «Il a métamorphosé les joueurs. Avec Pierre Jacky, le travail était bien fait, mais il y avait comme un blocage, un plafond de verre», observe Philippe Lafrique, membre du comité exécutif de la FFF, et chargé du développement de la discipline. «Dans les vestiaires désormais, on n’entend plus les joueurs se plaindre du niveau d’écart car ils ne sont pas professionnels [le championnat français reste amateur]. Les mentalités ont évolué.»
Si Raphaël Reynaud peut se targuer d’être l’un des seuls tacticiens à avoir battu la Seleçao, il n’en reste pas moins lucide sur le travail réalisé auparavant. Retour six ans en arrière. Initié par son prédécesseur Pierre Jacky et la FFF, un premier plan de développement chamboule le futsal masculin français en 2018. «Noël Le Graët considérait que ce n’était pas normal que l’écart entre le monde du football et du futsal soit si abyssal», se souvient Philippe Lafrique. Dès cet instant, la FFF structure les équipes de D1, avec l’apparition de «licences club», qui permettent aux associations sportives de recevoir une dotation de 20 000 euros annuels. À condition qu’elles créent et développent des sections jeunes, forment des référents de sécurité, des éducateurs, des arbitres. La période coïncide avec la toute première qualification des Bleus à l’Euro.
Philippe Lafrique, alors dépositaire du dispositif, surfe sur la dynamique : «La qualification était inattendue si tôt. Cela nous a permis d’avoir un peu de visibilité et d’enclencher plus rapidement ce développement.» La D1 gagne en compétitivité et recrute des stars, à l’image du Portugais Ricardinho. «L’équipe de France doit son évolution à celle de son championnat. Il continue de s’améliorer, évolue, se structure. Nos clubs progressent année après année», constate Raphaël Reynaud.
«Plus vite que prévu»
Une fois Philippe Diallo à la tête de la FFF, début 2023, la deuxième étape du processus est lancée. Dans les plans du président, le futsal est érigé comme priorité. «Il fallait continuer d’avancer. Philippe Diallo a décidé que le futsal était un axe fort du plan de développement de la fédération, autant que le football féminin.» Les clubs de l’élite bénéficient désormais d’une aide entre 80 000 et 120 000 euros. En interne, on songe même à établir la licence professionnelle dès la deuxième division. «En Europe, hormis l’Espagne avec sa ligue professionnelle et ses droits télévisés, la France est le pays qui accompagne le plus ses clubs financièrement», assure Philippe Lafrique.
Et de faire le parallèle : «Le Portugal, qui est champion d’Europe et du monde, c’est cinq fois moins. Les clubs de D1 sont vitaux pour nous. C’est l’un des meilleurs championnats d’Europe. L’équipe de France en bénéficie, car certains joueurs sont enfin habitués à des matchs de haute intensité.» La qualification pour le Mondial en Ouzbékistan est un bonus, qui servira autant de tests que d’apéritif avant le véritable objectif, dans deux ans. «Nous pensions à l’Euro 2026, pas à la Coupe du monde 2024, indique Philippe Lafrique. La France est allée un peu plus vite que prévu. Maintenant, il va falloir pérenniser ces résultats pour atteindre notre but.»
Désormais, le futsal est le sport numéro 1 à l’UNSS (l’Union nationale du sport scolaire du secondaire). Ce qui fait de lui la discipline la plus pratiquée à l’école. En club, le nombre de licenciés est passé de 25 000 à 45 000. L’engouement prend et il est désormais possible pour n’importe quel jeune de tenter sa chance au Pôle France futsal de Lyon. Inspirée du modèle de Clairefontaine, la structure est inaugurée en 2018 pour pallier le manque de centres de formation dans l’Hexagone. «Il permet de prendre en charge la formation de tous les jeunes. Les résultats suivent. Maintenant, les moins de 19 ans se qualifient à chaque fois en phase finale des championnats d’Europe», se réjouit Philippe Lafrique.
Les talents tricolores s’exportent désormais, comme Mamadou Touré (FC Barcelone) ou Amin Benslama (El Ejido). «Notre credo, c’est que nos différences s’additionnent. Ces expériences internationales sont positives pour le groupe et font que nos résultats sont probants actuellement», dresse Raphaël Reynaud. Et de conclure : «La formation offre des jeunes joueurs talentueux à l’équipe de France. Ce sont les résultats de la structuration des clubs et des écoles de futsal. Tout ça n’existait pas il y a dix ans. C’est un travail de fourmi qui a permis à la France de devenir une sélection qui compte.»