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Dans la famille des exagérations historiques et des idées reçues créées par Astérix et Obélix, en voici une sur le réseau routier romain. Immédiatement nous vient à l’esprit l’image d’artères pavées et d’un vaste réseau de routes dans l’entièreté de l’Empire romain, sortes d’ancêtres des autoroutes modernes.

L’idée reçue est ici une image, amplifiée par les dessinateurs des livres de vulgarisation : celle de chaussées méticuleusement pavées sur de multiples lits de gravier et de sable. Or celles-ci n’étaient que minoritaires, principalement aux abords et au cœur des villes. Les fameuses routes romaines étaient surtout faites de terre battue empierrée, écrit Bertrand Lançon, spécialiste de l’histoire romaine, dans Les Romains. Mais ce n’est pas tout. L’idée même que « tous les chemins mènent à Rome » pourrait évoquer la centralisation de l’empire ou celle de l’Église chrétienne. Pourtant, la situation était plus nuancée. L’Empire romain ne correspondait pas à un État centralisé tel que nous l’imaginons. Il est bien difficile de soutenir que l’Empire romain était un État centralisé dans la mesure où les usages locaux compatibles avec les institutions romaines étaient largement admis, les gouverneurs des provinces étaient encouragés à tolérer les traditions civiques locales, ajoute l’historien Bertrand Lançon.

Rendons tout de même à César ce qui est à César. Les routes romaines étaient bel et bien le pilier de l’administration des provinces. Elles offraient un déplacement rapide des troupes et facilitaient les communications entre les centres de décision, contribuant ainsi de façon essentielle à l’existence même de l’Empire romain. Quand Auguste prit les rênes du pouvoir après de longues années de guerres civiles, la Gaule manquait cruellement d’infrastructures, même un quart de siècle après la bataille d’Alésia. L’une de ses priorités fut donc de développer un réseau routier efficace reliant Lyon aux points stratégiques du territoire.

Pour autant, les Gaulois ne doivent pas tout aux Romains. On leur attribue souvent le mérite d’avoir introduit le réseau routier en Gaule, sous-entendant que les Celtes, avant la conquête, se contentaient de piètres chemins de terre, synonymes d’inefficacité. En réalité, de nombreuses voies romaines empruntent des tracés déjà en place. Certains historiens font remarquer que la rapidité des déplacements des armées de César quand il est arrivé en Gaule supposait l’existence de chemins déjà praticables.

Dans l’usage de l’expression « Tous les chemins mènent à Rome », il est rarement question de réseau routier. La phrase trouve sa source chez le philosophe français Alain de Lille, au XIIe siècle, dans son poème « Le Livre des paraboles ». Il évoque, dans un sens figuré, les nombreuses voies qui mènent à un même but, illustrant la diversité des chemins vers la vérité, que ce soit dans le raisonnement ou la foi. La phrase « Mille routes conduisent à Rome ceux qui cherchent le Seigneur de tout leur cœur » rappelle les pèlerinages des croyants, depuis le IVe siècle, vers les tombeaux sacrés de Pierre et de Paul à Rome. Bertrand Lançon fait observer que Rome, transformée par les efforts du pape Grégoire le Grand, devient une « nouvelle Jérusalem », plus proche et accessible pour les Occidentaux. Pierre, en tant que premier apôtre de Jésus, faisait de Rome un lien direct avec le divin. Ainsi, dans la vision d’Alain de Lille, Rome symbolisait cette jonction entre les mondes terrestre et céleste.