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Les vacances pour les travailleurs indépendants : une possibilité ?

Une analyse des données de l’Union européenne effectuée par la Confédération européenne des syndicats (CES) révèle une augmentation du nombre de travailleurs qui ne peuvent pas partir en vacances. Les raisons sont principalement économiques, mais la charge de travail et la difficulté à se déconnecter jouent également un rôle.

Près de 40 millions d’Européens n’ont pas pu prendre de vacances à l’extérieur de leur domicile en 2022, soit une augmentation de 14 % par rapport à 2021. Après l’Irlande, c’est en France que l’augmentation est la plus marquée, avec près d’un million de personnes supplémentaires n’ayant pas pris de vacances.

L’observatoire des inégalités révèle que 60 % des Français partent en vacances au moins une fois par an, mais souligne des disparités en fonction du revenu. En effet, seuls 42 % des personnes gagnant moins de 1 285 euros par mois sont parties en vacances en 2023, contre 76 % de ceux qui gagnent plus de 2 755 euros.

Ces inégalités salariales sont liées au milieu social, car moins de la moitié des ouvriers partent en congé à l’extérieur, tandis que près de 80 % des cadres supérieurs peuvent se permettre au moins une semaine de vacances.

Au-delà de l’explication financière, les vacances font partie intégrante du mode de vie des plus favorisés : ils ont l’habitude de partir en vacances depuis leur jeunesse avec leurs parents et reproduisent ce schéma social. De plus, un niveau de vie élevé est souvent associé à un capital social. Les relations des plus riches leur permettent de bénéficier d’hébergement à moindre coût, voire gratuitement.

Charge mentale et difficultés à se déconnecter

Parmi les travailleurs les plus touchés par le phénomène de non-départ en vacances figurent également les travailleurs indépendants, en particulier les micro-entrepreneurs. Ne disposant pas de congés payés, ils sont confrontés à d’autres défis.

Ils doivent en effet générer suffisamment de revenus tout au long de l’année pour se permettre une ou deux semaines de vacances sans revenu pendant cette période. En plus de la question financière, les travailleurs indépendants rencontrent souvent des difficultés à se déconnecter, par peur de perdre des clients ou en raison d’une surcharge de travail.

Thomas Aonzo, président de l’association Unions Indépendants, qui défend les droits des travailleurs indépendants solitaires, explique ce double phénomène : « Pour les livreurs ou les VTC (voiture de transport avec chauffeur), il s’agit plutôt de problèmes financiers. Les revenus des livreurs sont très faibles, et les chauffeurs ont des charges très élevées, ce qui limite le budget qu’ils peuvent consacrer aux vacances. De plus, l’été est une période cruciale pour les VTC qui tirent leurs revenus du tourisme. »

Bien qu’ils ne soient pas à l’abri de difficultés économiques, les défis peuvent être différents pour les micro-entrepreneurs dans les services : « Une grande partie des micro-entrepreneurs de services ne parviennent presque jamais à décrocher mentalement, ils doivent envoyer des e-mails, rédiger des factures, vérifier leur disponibilité… la charge mentale est très élevée. C’est particulièrement vrai pour ceux qui débutent, car les premières années servent souvent à se faire une place, à établir un réseau et à trouver des clients », ajoute Thomas Aonzo.

Velna Borgel, webdesigner freelance depuis 10 ans, partage le même avis : « Lorsque j’étais salariée, il était plus facile de décrocher complètement pendant l’été. Chez les indépendants, c’est plutôt la période pendant laquelle tu prépares la rentrée, travailles sur ton portfolio, essaies de trouver des clients… Finalement, tu ne déconnectes jamais vraiment. »

Elle souligne également l’impact que l’absence de vacances et de réelle déconnexion peut avoir sur la santé. Certains attendent d’être « au bout du rouleau » pour prendre des vacances, le travail prenant le pas sur tous les autres aspects de la vie, ce qui peut entraîner la solitude, des tendances dépressives et un manque de relations sociales chez les micro-entrepreneurs de services.

Entre l’inflation, la baisse du pouvoir d’achat et l’incitation à toujours plus de productivité, partir en vacances reste un privilège réservé à une minorité, et les inégalités continuent de se creuser entre les plus riches et les plus modestes.

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