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Rencontre avec le premier ministre : réactions des partis politiques français

Olivier Faure et Boris Vallaud ont refusé toute rencontre avant la déclaration de politique générale du premier ministre. Les communistes seront reçus le 17 septembre, les premiers représentants de gauche à faire état d’un rendez-vous à Matignon.

Le contexte
Michel Barnier poursuit ses consultations au centre et à droite, cinq jours après sa nomination. Il devait s’entretenir ce mardi matin avec Stéphane Séjourné, ministre des affaires étrangères démissionnaire et secrétaire général de Renaissance, le parti présidentiel, Marc Fesneau, ministre de l’agriculture démissionnaire et président du groupe MoDem à l’Assemblée et Hervé Marseille, président de l’Union des démocrates et indépendants (UDI) et du groupe Union centriste au Sénat.

Le nouveau premier ministre doit rencontrer ce mardi soir les députés et les sénateurs Ensemble pour la République, dont le groupe est présidé par Gabriel Attal, l’ancien chef du gouvernement, en clôture de la première journée parlementaire. En ouverture de cette rentrée, le président des députés macronistes, Gabriel Attal, a revendiqué « le droit d’être exigeant » envers le futur gouvernement Barnier.

Manuel Bompard (LFI) assure qu’une motion de censure sera déposée dès le début de la session parlementaire, arguant qu’il « n’est pas acceptable dans une démocratie que lorsqu’il y a une élection [à l’issue de laquelle] le Nouveau Front populaire arrive en tête, on se retrouve avec un premier ministre d’un groupe qui a moins de quarante députés [le groupe La Droite républicaine est composée de 47 élus] ».

Charles de Courson, rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale, estime qu’il est « impossible » dans la « situation politique actuelle » que la France ne ramène le déficit public à 3 % du PIB d’ici à 2027, jugeant que « les efforts sont complètement démesurés au regard de la composition de l’Assemblée nationale ». Hier lundi, le ministre de l’économie et des finances démissionnaire, Bruno Le Maire, avait pourtant assuré que la France pouvait tenir cet objectif.

Le budget au menu du déjeuner de Michel Barnier ce mardi
Tout en multipliant les consultations pour constituer son gouvernement, Michel Barnier prépare aussi le projet de budget de l’Etat qu’il est censé boucler dans les tout prochains jours. Ce mardi, il a déjeuné avec le ministre démissionnaire de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, et son ministre délégué aux comptes publics, Thomas Cazenave, également démissionnaire.
Au menu, le budget, donc. « C’est le défi le plus urgent, c’est le défi le plus difficile, c’est le défi le plus politique, avait expliqué la veille M. Le Maire devant les députés de la commission des finances. C’est le défi dont tout dépend car rien n’est possible sans des finances publiques bien tenues. » Michel Barnier tenait à avoir une idée précise du projet préparé par les ministres installés à Bercy et par son prédécesseur Gabriel Attal. A charge pour lui d’imprimer sa marque sur ce texte dans un délai très court : s’il veut tenir les délais légaux, comme le souhaitent les parlementaires et comme le préconise M. Le Maire, le projet de loi de finances doit en principe être transmis au Haut Conseil des finances publiques avant lundi prochain. En la matière, M. Barnier dispose d’un atout : son directeur de cabinet, Jérôme Fournel, était jusqu’à ces derniers jours directeur de cabinet de M. Le Maire. A ce titre, il a supervisé la préparation du budget « reversible » laissé par le gouvernement sortant. Trait d’union entre M. Le Maire et M. Barnier, M. Fournel participait aussi au déjeuner.

Emmanuel Macron de retour sur le terrain pour inaugurer une usine Sanofi
Pour sa première sortie de terrain depuis la dissolution de l’Assemblée et le séisme politique qui a suivi, Emmanuel Macron a inauguré mardi une usine de vaccins et biomédicaments du groupe français Sanofi, près de Lyon. Absorbé ces dernières semaines par la crise politique, le chef de l’Etat n’avait effectué que des déplacements mémoriels, liés au 80e anniversaire du Débarquement et à la Libération du joug nazi. M. Macron est arrivé seul à 16 h 45 sur le site à Neuville-sur-Saône (Rhône-Alpes), qui représente un investissement de 500 millions d’euros du groupe et de l’Etat. Aucun ministre ne l’accompagnait, Michel Barnier, nommé jeudi à Matignon, poursuivant ses consultations pour trouver une majorité la plus stable possible et former un gouvernement.

Cette « usine du futur », présentée comme unique au monde et qui doit être opérationnelle en 2025, va permettre de produire jusqu’à quatre vaccins ou biomédicaments simultanément et de reconfigurer les lignes de production en quelques jours ou semaines pour en fabriquer d’autres si besoin, souligne Sanofi dans un communiqué. L’investissement, annoncé par Emmanuel Macron en pleine crise du Covid en juin 2020, va assurer la « souveraineté sanitaire et l’attractivité industrielle française et européenne », se félicite la présidence. Dans la foulée, le chef de l’Etat assistera mardi soir à Lyon à la cérémonie d’ouverture des Worldskills 2024, une sorte d’olympiade pour les jeunes des métiers de la construction, des arts créatifs, des technologies ou de la logistique.

Le PS décline une rencontre avec Michel Barnier, le PCF l’accepte « sans illusion »
Les responsables socialistes Olivier Faure et Boris Vallaud, contactés par Matignon, ont décliné toute rencontre avec le premier ministre Michel Barnier avant que celui-ci ne présente sa déclaration de politique générale devant l’Assemblée, selon leur entourage. Les communistes, de leur côté, seront reçus mardi 17 septembre par M. Barnier. Le secrétaire national du parti, Fabien Roussel, s’est cependant dit « sans illusion » sur le nouveau chef du gouvernement, « qui a 50 ans de vie politique et n’a jamais rien fait de social dans notre pays ». Premier dirigeant de gauche à faire état d’un rendez-vous avec le nouveau premier ministre, M. Roussel a confirmé sur Europe 1 et CNews son intention de voter la censure contre son gouvernement.

De son côté, sur France 2, le coordinateur national de LFI Manuel Bompard a déclaré ne pas avoir reçu d’invitation et a laissé entendre que sa formation n’irait de toute façon pas rencontrer le premier ministre. Il a confirmé que la gauche déposerait une motion de censure sans attendre, dès l’ouverture de la session parlementaire début octobre, s’il n’y a pas de session extraordinaire en septembre. Les écologistes ont également dit n’avoir pas encore reçu d’invitation à rencontrer le premier ministre. Quoi qu’il en soit, Michel Barnier « n’a rien à attendre de nous et nous n’avons rien à attendre de lui », a martelé lors d’un point presse à l’Assemblée nationale l’un des porte-parole des députés écologistes, Benjamin Lucas. « Nous allons tout faire pour faire tomber ce gouvernement, pour le censurer », a ajouté l’élu, soulignant que la gauche était « en capacité » d’y parvenir.

Michel Barnier appelé à faire de la loi grand âge une « priorité »
Face au « mur démographique » qui se rapproche, « l’inaction n’est plus une option » : élus et acteurs du secteur ont exhorté mardi le nouveau premier ministre, Michel Barnier, à faire de la loi grand âge, maintes fois repoussée, une « priorité ». Selon les projections en 2040, 15 % de la population aura plus de 75 ans. « Le sujet ne pourra pas être ignoré dans les semaines et les mois qui viennent, le prochain gouvernement doit faire suite notamment à l’adoption » de la loi sur le bien vieillir en mars, a estimé le président de la Fédération hospitalière de France, Arnaud Robinet − également maire (Horizons) de Reims −, lors des assises nationales des Ehpad à Paris. La première chose à faire, c’est le « lancement des travaux réunissant les élus et l’ensemble des professionnels, les acteurs sur la loi programmation grand âge », a abondé Luc Carvounas, maire (PS) et président de l’Union nationale des centres communaux d’action sociale, appelant à faire du « bien vieillir » une « grande cause nationale ».

Promise par le chef de l’Etat au début de son premier quinquennat, la loi grand âge avait été abandonnée par le gouvernement Castex en septembre 2021, faute de financement. En novembre 2023, Elisabeth Borne, alors première ministre, avait dit vouloir que cette loi soit présentée d’ici à l’été 2024 avec une adoption au second semestre 2024. En janvier, Catherine Vautrin, alors ministre de la santé, s’est engagée sur une adoption d’ici « à la fin de l’année », un calendrier devenu incertain après la dissolution surprise de l’Assemblée nationale en juin.

Gabriel Attal revendique « le droit d’être exigeant » envers le futur gouvernement Barnier
En ouvrant la réunion des 97 députés du groupe Ensemble pour la République, qu’il dirige désormais, Gabriel Attal a dit rejeter « tout blocage stérile », mais a revendiqué « le droit d’être exigeant ». « Nous ne sommes pas près de brader nos valeurs. Nous défendrons nos idées et nous les défendrons avec force », a-t-il prévenu. Les députés macronistes, qui reçoivent Michel Barnier ce mardi soir, attendent « des engagements forts » du premier ministre sur leur « programme » et leurs « valeurs », a fait savoir M. Attal qui a rappelé le souhait du parti présidentiel de voir M. Barnier recourir à « des personnes issues de la droite républicaine, du bloc central, et de la gauche républicaine » pour former son gouvernement. Mais « à côté des devoirs, nous avons aussi des droits. Nous avons un droit d’exigence. Pas une majorité ne peut s’écrire sans nous. Pas un vote ne peut se gagner sans nous », a ajouté l’ancien premier ministre. Une position d’équilibre qui traduit le malaise de certains. « Je ne sais pas si je suis dans la majorité ou [dans] l’opposition », s’est interrogé le député Ludovic Mendes, jugeant que Michel Barnier donne pour l’instant « plus de gages à [la] droite et à l’extrême droite ». « Sa composition et sa feuille de route sont indissociables », estime le député macroniste Marc Ferracci qui souhaite que le gouvernement comprenne « des gens du bloc central à due proportion de ce que nous représentons à l’Assemblée ». Au cours de cette réunion, selon l’Agence France-Presse, qui s’appuie sur des témoignages de participants, le ministre de l’intérieur démissionnaire Gérald Darmanin a suggéré que les éventuels ministres du camp présidentiel puissent quitter en bloc le gouvernement si des « lignes rouges » étaient franchies. Le ministre démissionnaire et nouveau vice-président de l’Assemblée nationale, Roland Lescure, a évoqué une possible « incompatibilité » avec des personnalités auxquelles M. Barnier pourrait recourir pour former son équipe, sans citer de nom, mais visant vraisemblablement des responsables du parti de droite Les Républicains.

Le Medef attend des décisions « réalistes au regard de la situation économique » de la part de Michel Barnier
Le président du Mouvement des entreprises de France (Medef), Patrick Martin, a affirmé sur RTL attendre des décisions « réalistes » de la part du nouveau premier ministre, Michel Barnier. C’est « un homme pondéré, très déterminé et très expérimenté » qui a une personnalité « plutôt rassurante », a estimé M. Martin, dont l’organisation souhaite qu’il préserve les « fondamentaux » de la réforme des retraites. Si le président du Medef a affirmé être ouvert à revenir sur certains points de la réforme – « carrières des femmes, usure au travail » –, il n’envisage aucunement que « l’équilibre financier » et les « fondamentaux » de la réforme (qui fait progressivement reculer l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans) soient rediscutés. S’alarmant de la hausse du nombre de défaillances d’entreprises, M. Martin a appelé M. Barnier à « rétablir la confiance » des chefs d’entreprise et à « prolonger » la « politique pro-entreprise » menée ces dernières années. « Dans mon entreprise, j’ai suspendu les investissements, j’ai suspendu les embauches, parce qu’on ne sait pas à quelle sauce on va être mangés », a insisté M. Martin, qui dirige le groupe de services aux entreprises Martin Belaysoud, comptant 3 200 salariés et affichant un chiffre d’affaires d’un peu plus de 1 milliard d’euros en 2023.

Nomination de Michel Barnier : « Qui serait aujourd’hui assez aveugle pour ne pas proclamer sa volonté de rupture ? Mais les faits sont têtus »
Par Françoise Fressoz
Le week-end des 7 et 8 septembre, deux gauches exhalaient leur colère de n’être pas installées aux manettes du pays, alors que le second tour des élections législatives le 7 juillet avait placé le Nouveau Front populaire en pole position. La première, virulente, manifestait en vue d’obtenir la destitution d’Emmanuel Macron, accusé d’avoir trompé les électeurs en rejetant la candidature à Matignon de Lucie Castets. La seconde, plus discrète, maudissait la direction du Parti socialiste d’avoir laissé passer l’occasion de pouvoir réinstaller, dans une forme de cohabitation inédite, une gauche de gouvernement sous l’égide de Bernard Cazeneuve, l’ancien premier ministre de François Hollande. Derrière cet échec collectif, la classique tension entre radicalité et recherche du compromis, qui éclaire toute l’histoire de la gauche mais s’étend désormais au-delà.

Des responsables du Parti communiste vont s’entretenir avec Michel Barnier mardi prochain
Sur CNews et Europe 1, Fabien Roussel, secrétaire national du Parti communiste français, a annoncé s’entretenir avec Michel Barnier aux côtés d’André Chassaigne, président du groupe Gauche démocrate et républicaine à l’Assemblée nationale, et de Cécile Cukierman, présidente du groupe Communiste républicain citoyen et écologiste – Kanaky, mardi prochain. « Nous allons lui dire ce que nous voulons », a-t-il affirmé en évoquant la hausse des salaires et leur indexation sur l’inflation, le rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ou encore l’abrogation de la réforme des retraites.

Manuel Bompard (LFI) assure qu’une motion de censure sera déposée dès le début de la session parlementaire
« Il n’est pas acceptable dans une démocratie que lorsqu’il y a une élection [à l’issue de laquelle] le Nouveau Front populaire arrive en tête, on se retrouve avec un premier ministre d’un groupe qui a à moins de 40 députés [le groupe La Droite républicaine est composée de 47 élus] », a déclaré Manuel Bompard, coordinateur et député La France insoumise des Bouches-du-Rhône, sur France 2. Il a assuré qu’une motion de censure visant le gouvernement de Michel Barnier serait déposée dès le début de la session parlementaire. Interrogé sur la possibilité que des personnalités de gauche soient présentes dans le futur gouvernement de Michel Barnier, Manuel Bompard a jugé ne pas « croi[re] » en cette hypothèse. « Il me semble que ce gouvernement s’inscrit clairement dans la continuité du macronisme et encore plus à droite sans doute car il a été installé [à la] suite d’un accord entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. »

Pour Fabien Roussel, les députés Rassemblement national seront « comptables » et « responsables » de la politique du gouver