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L’inquiétude en Algérie face à l’offensive de Haftar en Libye

Une vidéo virale déclenche une tempête

Une vidéo virale montrant des soldats de l’Armée nationale libyenne (ANL) de Saddam Haftar, fils de l’homme fort de l’Est libyen, à proximité du poste-frontière algérien de Debdeb, dans l’extrême sud-est du Sahara, a suscité une vague d’inquiétude en Algérie. Sur les réseaux sociaux, les commentaires se multiplient, évoquant la « fuite de soldats algériens face à l’avancée de la milice libyenne », la « menace directe de [l’autoproclamé] maréchal Khalifa Haftar contre l’Algérie », ainsi que la possibilité d’une « réaction militaire algérienne ».

L’offensive vers l’est et le sud

La viralité de ces images, qui datent finalement de l’année dernière et n’ont aucun lien avec un quelconque incident militaire, a été alimentée par un fait réel : depuis le 7 août, des unités sous le commandement du fils de Khalifa Haftar, Saddam, ont lancé une « opération globale » dans les zones de l’ouest et du sud libyens, près des frontières avec l’Algérie et le Niger, notamment en se déplaçant vers le passe du Salvador, une zone désertique entre les trois pays, connue pour le trafic divers, les mouvements de migrants et de djihadistes de la région. Selon l’ANL de Haftar, cette opération vise à « sécuriser les frontières sud du pays et à renforcer la stabilité de la Libye dans des zones stratégiques ».

Un peu plus au nord, l’offensive du fils de Haftar vise également la ville de Ghadamès, proche des frontières algériennes et à 650 km au sud-ouest de Tripoli. Pour de nombreux observateurs, ce mouvement de troupes venues de l’est serait en réalité une nouvelle tentative de prendre, par le sud, Tripoli, siège du gouvernement d’entente nationale qui ne reconnaît pas le pouvoir du maréchal Haftar.

Les forces du maréchal libyen « convoitent depuis plusieurs années » l’aéroport de Ghadamès et ses alentours, car son contrôle « renforcerait de manière notable la donne territoriale de Haftar face à l’Algérie, à la Tunisie et au Niger », explique Jalel Harchaoui, chercheur associé à l’institut britannique Royal United Services. Le camp de l’est aurait ainsi le contrôle sur tout le sud, d’est en ouest.

La crainte d’une nouvelle guerre civile libyenne

Au début de cette récente offensive, Alger, hostile à Haftar, avait appelé « les parties libyennes à la sagesse et à la retenue », exprimant ses préoccupations quant à la récente mobilisation des forces dans diverses régions de la Libye et tout particulièrement en direction de ses régions méridionales et occidentales. Le Haut Conseil d’État libyen, basé à Tripoli, a également fait part de sa « grande inquiétude » face aux mobilisations militaires des forces de Haftar dans le sud-ouest, visant à renforcer son influence et à étendre son contrôle sur des zones stratégiques communes avec ses voisins.

Alger redoute sa mise sous pression à des frontières très sensibles, proches de ses installations stratégiques énergétiques

« Au-delà de la crainte de voir se déclencher une nouvelle guerre civile entre Libyens, Alger redoute sa mise sous pression à des frontières très sensibles, proches de ses installations stratégiques énergétiques notamment », souligne un observateur. Le souvenir de l’attaque meurtrière du site gazier de Tiguentourine en 2013 par des terroristes islamistes venus du nord du Mali via une Libye déstabilisée reste très vif pour Alger.

Les relations tendues entre Haftar et l’Algérie

Les relations entre Haftar et l’Algérie ont toujours été teintées d’hostilité et de tensions. En 2018, Haftar a accusé « les Algériens [qui] ont trouvé une occasion pour entrer en Libye ». En 2019, lors de la seconde offensive du maréchal contre Tripoli, Alger avait envisagé une intervention en Libye, déclarant que « Tripoli est une ligne rouge ».

La position ferme de l’Algérie face aux menaces

En 2021, Haftar a déclaré des zones frontalières avec l’Algérie comme « zones militaires » et a ordonné la fermeture des frontières. Le président algérien, questionné par la presse par rapport aux agissements et menaces du maréchal libyen, a rétorqué : « Personne ne peut menacer l’Algérie. »

Malgré une pause apparente sur le plan militaire de l’offensive du fils de Haftar déclenchée le 7 août, le front diplomatique reste tendu. Haftar a entamé des contacts avec Niamey pour renforcer son emprise sur le sud, tandis qu’Alger a renoué les liens avec le Niger, en une course d’influence régionale.

La situation reste donc à surveiller de près, alors que l’Algérie se retrouve confrontée à de nouvelles pressions à ses frontières avec la Libye, dans un contexte régional complexe et volatile.