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L’attaque massive de bipeurs au Liban par Israël

Publié il y a 4 minutes, Mis à jour à l’instant

L’explosion simultanée dans tout le Liban de bipeurs utilisés par le Hezbollah a fait au moins douze morts et 2800 blessés. Mohamed Azakir / REUTERS

L’État hébreu utilise depuis les années 1970 les téléphones portables et les moyens de communication en général pour traquer et assassiner ses ennemis. En février dernier, le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah exhortait ses partisans à se «débarrasser» de leur téléphone portable : «Je n’en ai pas. C’est un appareil d’espionnage ! Israël n’a pas besoin de plus que cela ! Jetez-les, enterrez-les ! C’est dangereux ! Le smartphone que l’on a en main est un appareil qui peut être contrôlé.»

Mardi 17 septembre, l’explosion simultanée dans tout le Liban de bipeurs utilisés par le mouvement chiite, imputé par ce dernier à Israël et dont le bilan s’élève à au moins douze morts et 2800 blessés, a rappelé au «Parti de Dieu» que l’État hébreu traque constamment ses sympathisants. Le tout dans un contexte de montée des tensions entre la milice et Jérusalem sur fond du conflit dans la bande de Gaza.

## Israël et l’utilisation des téléphones pour le renseignement

À chaque fois, les organisations terroristes ont régressé technologiquement en pensant passer entre les mailles du renseignement israélien. Mais ces derniers ont toujours trouvé la faille. Selon le New York Times, Israël a rempli d’explosifs ces appareils de communication désuets à l’occasion d’une commande passée par le Hezbollah auprès d’une société taïwanaise. Cette dernière affirme que la fabrication a été effectuée par son partenaire hongrois. «Il y a encore une zone d’ombre sur les préparatifs de cette opération qui est un exploit technique. Chaque bipeur aurait été chargé de plusieurs dizaines de grammes d’explosifs plastic de type Semtex», analyse David Rigoulet-Roze, chercheur associé à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (Iris).

## Histoire des attaques contre les téléphones

Frédérique Schillo, spécialiste d’Israël et coauteure de La Guerre du Kippour n’aura pas lieu (Archipoche, 2023), souligne que cette attaque restera dans les annales du renseignement hébreu. Elle est le nouvel épisode d’une longue série d’attaques contre des téléphones qui remonte à Paris en 1972. En décembre de cette année-là, le Mossad veut venger le meurtre de 11 athlètes israéliens aux Jeux olympiques de Munich organisé par le groupe terroriste palestinien Septembre noir.

À travers l’opération «Vengeance de Munich», le Mossad cible Mahmoud Hamshari, le représentant de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) à Paris, soupçonné d’avoir organisé les attentats en Allemagne. Les services secrets de l’État hébreu reproduisent à l’identique le socle en marbre de son téléphone fixe en y ajoutant des charges explosives.

## Tactiques du renseignement israélien

En 1996, sur ordre du premier ministre Shimon Pérès, le Shin Bet, les services de renseignement intérieurs, tue Yahya Ayyash, «l’artificier» du Hamas, responsable présumé de plusieurs attentats suicides ayant causé la mort de dizaines d’Israéliens. Les espions hébreux avaient remarqué que le terroriste appelait son père tous les vendredis. Ayant réussi à lui faire parvenir un téléphone semblable au sien, un Motorola Alpha, contenant des explosifs, le Shin Bet avait attendu l’appel hebdomadaire pour déclencher la charge.

Plus récemment, en 2001, Iyad Hardan, l’artificier du Djihad islamique en Cisjordanie, était assassiné à Jénine dans l’explosion d’une bombe qui avait été dissimulée sous la cabine téléphonique depuis laquelle il communiquait, pour éviter que les services israéliens ne l’atteignent en infiltrant son téléphone portable.

## Conséquences psychologiques

Frédérique Schillo souligne que les organisations terroristes ont souvent régressé technologiquement pour échapper au renseignement israélien, mais ce dernier a toujours su trouver le moyen de les atteindre. Pour les combattants et les cadres intermédiaires du Hezbollah, cette attaque constitue un choc opérationnel et psychologique. Le message adressé au proxy de l’Iran est clair : «Israël leur prouve qu’ils ne sont pas en mesure de protéger complètement leur système», selon les spécialistes.

En somme, l’attaque de mardi peut être interprétée comme un message adressé à l’opinion israélienne, démontrant que le renseignement israélien est toujours actif et efficace dans la lutte contre ses ennemis.