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La dystopie de la rentrée littéraire par Carole Martinez

Jamais les hommes n’avaient si peu dormi. En cause, un mal étrange ayant contaminé leur progéniture qui les fait chaque soir redouter l’avancée de la nuit. Tout commence un 2 février, à 1h48 du matin : soudain, un cri déchire les ténèbres, le cri de milliers d’enfants hurlant au même moment dans leur sommeil, sous l’emprise d’un rêve collectif déferlant sur les cinq continents, au fil de la rotation terrestre.

Aucun foyer n’est épargné, pas même la maison de gardien perdue dans les marais où Eva a trouvé refuge avec sa fille, Lucie, après avoir fui Paris et un conjoint violent. Lucie semble même être l’une des premières petites à avoir été contaminées, comme le remarque Serge, autre habitant des marais. Vivant seul avec son chien, le colosse effraie d’abord Eva, mais la progression du mal et la douceur de cet homme que Lucie adore l’incitent à lui faire confiance. D’autant qu’à la radio les nouvelles sont mauvaises : après le cri collectif, les enfants sont en proie à une crise de somnambulisme qui les pousse à s’immerger dans de l’eau douce. À Paris, « un mur de corps se dresse face à la masse des endormis que la Seine semble fasciner ». À Porto, « ils ont dévalé les collines jusqu’au Douro ». Et le fléau n’en finit plus de se répandre : bientôt, des moustiques envahissent les chambres des enfants, puis ce sont les mères qui en viennent à les battre, ne supportant plus l’odeur de leurs petits. À l’image des dix plaies d’Égypte, la nature paraît vouloir transmettre un message à l’humanité en s’attaquant à ce qu’elle a de plus précieux. « Il y aura d’autres rêves. La puissance qui se manifeste voudra aller jusqu’au bout pour montrer son pouvoir et elle a sans doute besoin des enfants, de leurs rêves, pour déplacer sa main sur la Terre. »

Un monde qui bascule L’onirisme, le merveilleux collent à la plume de Carole Martinez depuis Le Cœur cousu, son premier roman, au succès confirmé par l’inoubliable Du domaine des Murmures, prix Goncourt des lycéens 2011. Dors ton sommeil de brute s’ajoute à la bibliothèque de ses contes cruels, qui nous dévorent autant que nous les dévorons. Puisant dans nos peurs ancestrales la matière d’une histoire résonnant avec notre époque, le récit brosse le tableau d’un monde qui bascule à force d’avoir été négligé. Aussi isolé soit-il, le trio formé par Eva, Serge et Lucie est à l’épicentre d’un drame contre lequel nulle richesse et nulle patrie ne peuvent prémunir : embarqués dans le même bateau que le reste de l’humanité, il leur faudra conjurer les ombres de leur passé pour espérer survivre à ce cauchemar. Dors ton sommeil de brute, de Carole Martinez (Gallimard, 400 p., 22 euros)

La propagation du mal

Lorsque le cri collectif des enfants a retenti pour la première fois, personne n’aurait pu imaginer l’ampleur des conséquences qui en découleraient. La propagation du mal s’est révélée être d’une rapidité terrifiante, touchant chaque coin du globe de manière simultanée. Des familles entières se sont retrouvées plongées dans un cauchemar sans fin, confrontées à des phénomènes aussi étranges que dangereux. Les enfants, habituellement symboles de pureté et d’innocence, se sont transformés en porteurs d’un mal inconnu, plongeant le monde dans le chaos le plus total.

La résilience des protagonistes

Face à cette situation apocalyptique, certains individus ont fait preuve d’une résilience remarquable. Eva, Serge et Lucie, réunis par le hasard et la nécessité, ont dû unir leurs forces pour affronter les épreuves qui se dressaient devant eux. Chacun portait en lui des cicatrices du passé, des souvenirs douloureux qui auraient pu les paralyser. Cependant, c’est dans l’adversité que ces trois âmes brisées ont trouvé la force de se relever, de se battre pour leur survie et celle de ceux qu’ils chérissaient.

Le message de l’œuvre

Au-delà de son intrigue captivante et de ses personnages complexes, « Dors ton sommeil de brute » porte en lui un message profond sur la condition humaine et les fragilités de notre société. En mettant en scène une dystopie aussi sombre que réaliste, Carole Martinez nous invite à réfléchir sur nos propres peurs et sur les conséquences de nos actions. À travers le prisme de la fiction, l’autrice nous confronte à des dilemmes moraux et existentiels, nous obligeant à remettre en question nos certitudes et nos valeurs.

En conclusion, « Dors ton sommeil de brute » s’impose comme un roman puissant et poignant, qui ne laisse aucun lecteur indifférent. Par sa capacité à mélanger le fantastique et le réalisme, Carole Martinez nous plonge dans un univers cauchemardesque mais fascinant, où se côtoient l’horreur et la beauté. Une lecture incontournable pour tous ceux en quête d’une réflexion profonde sur notre monde et sur l’essence même de l’humanité.