Frankétienne, une figure incontournable d’Haïti et un volcan du verbe
Le cœur de la communauté littéraire haïtienne est en deuil depuis le décès de l’écrivain et peintre emblématique, Frankétienne, survenu le jeudi 20 février à Port-au-Prince. Ce géant de la culture haïtienne, de son vrai nom Jean-Pierre Basilic Dantor Franck Étienne d’Argent, a consacré sa vie à l’amour de son pays, de la langue, et des gens qui l’habitent. Né le 12 avril 1936 à Ravine Sèche, Frankétienne a été un pilier incontesté de la scène artistique haïtienne, un véritable « mapou » dans sa culture, comme le décrivent ses proches.
Un homme au parcours singulier
Issu d’une histoire familiale marquée par la violence, Frankétienne a puisé dans ses racines pour œuvrer en faveur de « la belle amour humaine », selon les mots de l’écrivain Jacques Stephen Alexis. Sa plume protéiforme a donné naissance à une cinquantaine d’œuvres littéraires, telles que « Ultravocal » et « L’Oiseau schizophone », publiées par des maisons d’édition renommées telles que Vents d’ailleurs et Mémoire d’encrier. Pionnier de la littérature en créole, son roman « Dézafi » (1975) a marqué un tournant dans la scène littéraire haïtienne.
Un artiste engagé et généreux
Frankétienne n’était pas seulement un écrivain de renom, mais aussi un peintre talentueux dont les tableaux trouvaient preneurs avec une facilité déconcertante. Actif au sein du mouvement littéraire spiraliste dans les années 1960, il a été récompensé par le grand prix de la francophonie de l’Académie française en 2021, témoignant de sa contribution exceptionnelle au rayonnement de la culture haïtienne à l’échelle mondiale. Son engagement pour l’éducation de son peuple était sans faille, symbolisé par la création d’une école dans le quartier populaire du Bel Air, où il résidait avec son épouse Marie-Andrée.
Un héritage culturel indélébile
Lors du séisme dévastateur de 2010 à Port-au-Prince, la communauté haïtienne a cherché refuge auprès de Frankétienne, symbole de résilience et de force dans l’adversité. Sa maison, véritable forteresse, a résisté aux secousses, portant les mots gravés de l’écrivain comme un testament à sa vie de création et de passion. Son impact sur la scène artistique haïtienne reste indéniable, inspirant des générations entières d’écrivains et d’artistes à travers ses mots et ses peintures.
Témoignage d’un voisin et ami
Louis-Philippe Dalembert, écrivain haïtien renommé et voisin de Frankétienne au Bel Air, partage des souvenirs empreints d’émotion et de nostalgie. Il évoque leur rencontre à une époque où l’écrivain publiait ses premiers poèmes et où ils partageaient des moments simples de la vie quotidienne. Ces anecdotes témoignent de la proximité et de l’humanité qui caractérisaient Frankétienne, un homme dont l’œuvre continue de résonner au cœur de la culture haïtienne.
La disparition de Frankétienne laisse un vide immense dans le paysage culturel haïtien, mais son héritage artistique et littéraire perdurera à travers les générations. En tant que pilier incontesté de la culture haïtienne et volcan du verbe, Frankétienne restera à jamais gravé dans les mémoires comme une figure emblématique et inspirante pour tous ceux qui continueront à porter haut les couleurs de la culture haïtienne. Le voyage continue, Frank.