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Emmanuel Macron vise une cohabitation avec lui-même – L’Humanité

Le président de la République a poursuivi, lundi 1er septembre, ses consultations en vue de trouver un premier ministre autre que Lucie Castets. Il teste plusieurs fers au feu, notamment des profils politiques, ceux de Bernard Cazeneuve et Xavier Bertrand, et un profil technique, Thierry Beaudet. La gauche, elle, appelle à respecter le résultat des urnes.

Le chef de l’État, qui veut garder la main sur la nomination de la plupart des ministres, cherche, à travers le long ballet des visites à l’Élysée, le profil qui permettrait à son camp de gouverner sans infléchir sa politique vers la gauche et sans que le Rassemblement national (RN) ne participe à voter une motion de censure.

Le Nouveau Front populaire (NFP) tient un discours simple. C’est sa candidate Lucie Castets et elle seule qu’Emmanuel Macron, qui poursuivait lundi 2 septembre ses consultations, doit nommer à Matignon. Dans une adresse publiée la veille, le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, le président du groupe GDR à l’Assemblée nationale, André Chassaigne, et la présidente du groupe CRCE-K au Sénat, Cécile Cukierman, préviennent que « si le président de la République s’entêtait à poursuivre sa politique d’austérité au nom de la “stabilité institutionnelle“, il provoquerait une crise démocratique grave », et l’appellent à « accepter de laisser respirer la démocratie en laissant l’opposition de gauche, sortie en tête du scrutin, gouverner la France ».

Les dirigeants communistes ne nient pas les difficultés, notamment l’impossibilité d’appliquer l’entièreté du programme du NFP : « C’est notre état d’esprit lorsque nous proposons Lucie Castets pour conduire une nouvelle politique pour la France. Nous avons clairement affirmé au président de la République notre volonté d’ouverture, de dialogue, de compromis pour travailler à des majorités parlementaires capables de gouverner dans la durée. »

Toutes les directions des partis de gauche, unis derrière Lucie Castets

Même son de cloche de la part du député de Picardie debout !, François Ruffin, dans la Somme, où il tenait une initiative politique, dimanche 31 août : « Les gens, ici à Flixecourt et dans le pays, demandent de pouvoir bien vivre de leur travail plutôt que de se rationner. Macron doit céder les manettes et nommer Lucie Castets. Nous ferons l’indexation des salaires et la fin de la retraite à 64 ans. » Toutes les directions des partis de gauche sont sur cette ligne, unis derrière Lucie Castets pour un changement de politique, au moment où des hameçons sont lancés par la Macronie pour la contourner et l’empêcher de gouverner.

Les insoumis mettent en garde contre la diversion présidentielle que représenterait une nomination au poste de premier ministre de l’ancien socialiste Bernard Cazeneuve, reçu lundi 2 septembre à l’Élysée. « Que ce soit lui, Xavier Bertrand ou un autre, il est fort capable de mener la politique de droite que veut mener Macron », attaque Éric Coquerel. Le président FI de la commission des Finances de l’Assemblée rappelle que, lors des dernières législatives, l’ancien premier ministre de François Hollande a tourné le dos au Nouveau Front populaire et adopté la ligne du « ni ni » : ni la France insoumise, ni le Rassemblement national.

Du côté d’Olivier Faure, de nombreux socialistes se montrent également sceptiques quant à la capacité d’un Cazeneuve à infléchir la ligne de Macron.

Le président, chantre du dépassement du clivage gauche-droite en 2017 (pour en réalité faire disparaître la gauche), soigne évidemment son flanc droit. Il a reçu, lundi après-midi, Xavier Bertrand, président de la région Hauts-de-France et membre de LR, dont le nom circule également pour Matignon. « L’idée générale est de regarder si les hypothèses de Bernard Cazeneuve et Xavier Bertrand sont viables au regard du critère de stabilité », a assuré à l’AFP un proche du président.

C’est en convoquant cet impératif que le président a écarté, la semaine dernière, l’hypothèse d’un gouvernement Castets, avant de reconnaître qu’il refusait de mettre la gauche en situation de gouverner pour des questions programmatiques. « Emmanuel Macron veut être en cohabitation avec lui-même », fustige ainsi l’insoumise Manon Aubry.

Et le chef de l’État, qui veut garder la main sur la nomination de la plupart des ministres, cherche, à travers le long ballet des visites à l’Élysée, le profil qui permettrait à son camp de gouverner sans infléchir sa politique vers la gauche et sans que le Rassemblement national (RN) ne participe à voter une motion de censure. Le RN a d’ailleurs précisé qu’il ne s’opposerait pas forcément à une nomination de Bernard Cazeneuve.

Emmanuel Macron espère constituer un « gouvernement technique »

Le chef de l’État a également reçu ses prédécesseurs à l’Élysée, François Hollande et Nicolas Sarkozy. Mais, sans garantie d’un soutien des socialistes à Bernard Cazeneuve ou d’un soutien de LR à Xavier Bertrand, Emmanuel Macron teste auprès de ses interlocuteurs un nouveau nom. Thierry Beaudet, président du Conseil économique, social et environnemental, a ainsi été reçu, le 30 août, pour se voir proposer d’être premier ministre. Inconnu du grand public, cet ancien enseignant a dirigé la MGEN, la mutuelle enseignante et la Fédération de la mutualité française. Selon nos informations, il serait prêt à relever le gant, à plusieurs conditions qui n’ont pas été précisées.

Emmanuel Macron espère, grâce à ce profil, constituer un « gouvernement technique » qui tiendrait grâce à la non-censure des forces siégeant à l’Assemblée nationale. Thierry Beaudet a l’avantage, pour amadouer la gauche, d’avoir pris ses distances avec l’une des forfaitures du deuxième quinquennat d’Emmanuel Macron, puisqu’il avait appelé à manifester contre la loi immigration, en janvier dernier.

Fin juin, dans un entretien à la Tribune, il avait dénoncé le danger que représentait le Rassemblement national pour les corps intermédiaires. Mais le NFP reste sur ses positions : le respect du vote des Français en juillet, donc la nomination de Lucie Castets à Matignon. D’autant plus que la marge de manœuvre d’Emmanuel Macron est en réalité des plus réduites. Les députés LR, par la voix de leur président Laurent Wauquiez, refusent en effet toute coalition. « De qui Thierry Beaudet tiendrait-il sa légitimité ? Du président de la République exclusivement, a aussi souligné sur BFM la députée Génération.s Sophie Taillé-Polian. Or, le président de la République et sa politique ont été défaits dans les urnes. Comment Beaudet pourra-t-il donc faire, lui qui n’est pas connu, qui ne bénéficie pas de rapports de force issus de son action antérieure, ni de soutiens dans la population ? Comment pourrait-il faire pour imposer à un chef de l’État qui n’a pas envie de changement, le changement que les Français attendent ?

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