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Bagarre générale entre députés au Parlement turc: tensions politiques en Turquie

Un élu du parti du président Erdogan a agressé vendredi 16 août un député d’opposition qui demandait la restitution du mandat d’un confrère emprisonné. D’autres membres du Parlement sont alors intervenus, provoquant une violente rixe pendant presque une demi-heure. De quoi relativiser sur les tensions au sein de l’Assemblée nationale française.

En Turquie, le personnel du Parlement a été contraint de nettoyer du sang sur le sol de l’institution, après une violente bagarre entre députés qui a duré plusieurs dizaines de minutes vendredi 16 août. Alors que le député d’opposition Ahmet Sik était à la tribune et critiquait le gouvernement au sujet de la détention du député Can Atalay, avocat et militant des droits de l’homme, un élu du parti AKP du président Erdogan, Alpay Ozalan, s’est dirigé vers lui avant de lui asséner une violente claque derrière la tête suivie d’une gauche en plein visage, projetant Sik au sol. D’autres députés se sont alors jetés dans la mêlée, provoquant durant près d’une demi-heure de rixe entre des dizaines de membres du parlement.

Violentes tensions politiques en Turquie

Au moins deux députés de l’opposition, un élu du CHP (social-démocrate) et une élue du DEM (pro-kurde), ont été légèrement blessés par des coups portés au niveau des yeux. D’autres députés de l’AKP s’en sont pris au député d’opposition Ahmet Sik alors qu’il était par terre. «J’ai honte d’avoir été témoin de cette situation», a réagi Ozgur Ozel, le dirigeant du CHP, principal parti de l’opposition.

«Les députés de l’AKP, qui ne reconnaissent pas la loi et n’appliquent pas les décisions de la Cour constitutionnelle, transforment le Parlement en une arène de violence […]. Nous condamnons fermement cette agression», a affirmé de son côté le parti pro-kurde DEM. Le président du parlement turc Numan Kurtulmus a annoncé une sanction de «condamnation» pour les deux députés à l’origine de la bagarre.

Dans la foulée de ces scènes de chaos, partagées de nombreuses fois sur les réseaux sociaux, l’examen de la décision de la Cour constitutionnelle sur la restitution du mandat de Can Atalay a finalement été rejeté par les votes des députés des partis composant la majorité au pouvoir, l’AKP (islamo-conservateur) du président turc Recep Tayyip Erdogan et du MHP (nationaliste). Elu en mai 2023 depuis sa cellule en prison, Can Atalay a été condamné en avril 2022 à 18 ans de prison.

La situation complexe de Can Atalay

Déchu en janvier de son mandat parlementaire, Can Atalay est un avocat de gauche, membre du Parti des travailleurs de Turquie (TIP). Avec le philanthrope Osman Kavala, condamné à la prison à vie, Can Atalay est accusé d’avoir cherché à renverser le gouvernement en 2013, alors que le pays était touché par une vague de manifestations sans précédent.

Rejetant ces accusations, le député Can Atalay élu dans la province d’Hatay, au sud du pays, se retrouve depuis au cœur d’une bataille judiciaire opposant deux des plus hautes juridictions de Turquie. D’abord, la Cour constitutionnelle, qui a ordonné par deux fois la remise en liberté de l’élu, âgé de 47 ans, arguant que ses droits à la «liberté» et à la «sécurité individuelle», ainsi que celui d’être «élu et de mener des activités politiques», avaient été «violés».

Les avis de la Cour constitutionnelle, rendus en octobre, ont depuis été contestés par la Cour de cassation. Sans surprise, le président turc Recep Tayyip Erdogan avait alors pris le parti de cette dernière en accusant la Cour constitutionnelle «d’accumuler les erreurs».