Pas de revendeur de billets ou d’écharpes ni de stands de hot-dogs… Ce jeudi soir, le long de l’allée du Stade de France, qui relie la gare RER B à l’enceinte de 80 000 places où les Bleus ont été sacrés champions du monde en 1998, on ne retrouve que des policiers, gendarmes et CRS. « On se sent en sécurité, il n’y a rien à redire, concède Steve, 42 ans, qui est venu avec son fils Luca. Mais un moment on s’est quand même demandé si le match avait bien lieu aujourd’hui et si on ne s’était pas trompé de jour ».
Pourtant non, c’est bien le 14 novembre 2024 qu’a eu lieu le match opposant l’équipe de France à Israël, comptant pour la Ligue des nations de l’UEFA. Un match jugé à « hauts risques » par le préfet de police Paris Laurent Nunez. De ce fait, un dispositif exceptionnel de sécurité a été mis en place : 4 000 policiers et 1 600 agents de sécurité déployés dans Paris, les transports, autour et dans l’enceinte du Stade. Pour prendre place en tribune, il a fallu présenter sa pièce d’identité quatre fois et subir deux fouilles corporelles. Soit peu ou prou le dispositif utilisé pendant les J.O. Mais avec une ferveur divisée par mille. Enfin, les sacs à dos ont été bannis comme les drapeaux palestiniens.
Cette rencontre s’inscrivait dans un contexte de conflit au Proche-Orient et des violences antisémites survenues en marge de la rencontre Ajax Amsterdam – Maccabi Tel-Aviv une semaine plus tôt. Plusieurs supporters israéliens avaient été ciblés et agressés après le match.
Autant dire que ce soir, l’enjeu sportif a été éclipsé par la géopolitique. Ce match doit être un « anti-Amsterdam », a prévenu le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), Yonathan Arfi, tandis que le gouvernement israélien conseillait à ses supporters de ne pas faire le déplacement en Seine-Saint-Denis pour le match.
Si les tribunes ont sonné tristement vide – pas plus de 15 000 spectateurs étaient présents, moitié moins que la pire audience de l’histoire de l’équipe de France dans ce stade –, les personnalités politiques se sont déplacées en masse pour « adresser un message de fraternité et de solidarité » avec Israël. Aux côtés d’Emmanuel Macron se sont assis ses prédécesseurs François Hollande et Nicolas Sarkozy ; le Premier ministre Michel Barnier, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau ; le ministre des Sports Gil Avérous, l’ancien Premier ministre Manuel Valls ou encore la présidente de la région Île-de-France Valérie Pécresse.
Quelques minutes avant le coup d’envoi, le président de la République avait assuré que la France « ne cédera rien à l’antisémitisme », répondant à la demande du chef de la diplomatie israélienne, quelques heures plus tôt, d’assurer la sécurité de la centaine de supporters israéliens qui ont fait le déplacement.
Malgré l’ambiance pesante qui a régné autour du match, Elie n’a pas voulu le manquer. Sous aucun prétexte. Pour marquer le coup, il est venu avec les deux drapeaux : le français et l’israélien. « Voir ce stade vide, je ne vous cache pas que ça me pince le cœur. Ce match devait être une parenthèse heureuse dans une période qui ne l’est pas, c’est loupé », concède-t-il.
De fait, des premiers sifflets ont jailli des tribunes à l’annonce de la composition israélienne, ce qui n’est pas inhabituel pour les joueurs affrontant la France. L’hymne israélien fut davantage sifflé – ce qui est plus rare – et les équipes techniques du Stade de France ont dû monter le son des enceintes jusqu’à saturation pour masquer des sifflets qui ont perduré à chaque fois qu’un joueur israélien touchait la balle. « On s’y attendait un peu, on ne va pas se mentir, réagit un supporteur israélien originaire de région parisienne. Mais siffler l’hymne de cette manière, c’est dur à vivre ».
Une délocalisation du match dans un autre stade en France avait été évoquée mais l’hypothèse avait été balayée par Bruno Retailleau. « La France ne recule pas, cela reviendrait à abdiquer face aux menaces violentes et face à l’antisémitisme », avait déclaré le ministre de l’intérieur. Bien qu’aucun incident n’eut été à signaler autour du stade, l’ambiance morose durant le match apparaît comme un pari manqué pour le locataire de Beauvau.
Des mouvements de foule dès la 10e minute près du parcage israélien (où se trouvaient des supporteurs officiels de la sélection israélienne séparés des supporteurs israéliens indépendants, dans le virage nord), ont obligé l’instauration d’un cordon de sécurité au niveau de l’anneau central de la tribune mais l’ambiance est restée calme en première mi-temps. Quelques slogans « libérez nos otages » se sont fait entendre, en référence aux otages toujours aux mains du Hamas après l’attaque du 7 octobre 2023.
Sur le terrain, car il s’agissait d’un match de football, le spectacle n’a pas permis de masquer l’atmosphère étrange de cette rencontre. Après une première mi-temps pénible pas sauvée par la seconde, les deux équipes se sont séparées sur un triste 0-0 donnant la sensation que ce soir, personne n’est sorti gagnant du stade de France.